Crime et Châtiment de Fedor Dostoïevski

Nous allons nous concentrer sur deux points du livre de Fédor Dostoïevski : Napoléon et le français. Ces points sont récurrents dans Crime et Châtiment et j’ai voulu comprendre leur origine.

Napoléon, l’homme qui a inspiré Raskolnikov et les écrivains

Dans Crime et Châtiment, le personnage principal Raskolnikov cite à de nombreuses reprises Napoléon. Un surhomme qui a pu se permettre de dépasser la morale et de tuer un grand nombre d’êtres humains pour une bonne cause.

Ainsi, il cite :

Si un jour, Napoléon n’avait pas eu le courage de mitrailler une foule désarmée, nul n’aurait fait attention à lui et il serait demeuré un inconnu.

Le jour qui rendit célèbre Napoléon : le 5 octobre 1795

Ce jour dont parle Raskolnikov est le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795) à Paris. Ce jour permit à Napoléon d’être rendu célèbre après sa victoire remportée sur les insurgés royalistes. Il sera, longtemps, nommé par les royalistes, le « général Vendémiaire ».

L’insurrection des royalistes contre la Constitution nationale se déroula le 5 octobre 1795. C’est au nombre de 25 000, que les royalistes se réunirent autour du palais des Tuileries, là où siégeait l’assemblée de la Convention et le Comité de salut public.

Pour défendre la Convention de cette attaque, Paul Barras va s’entourer, entre autres, de Napoléon, qu’il avait remarqué au siège de Toulon. Napoléon Bonaparte va avoir pour rôle de réprimander les insurgés et il sera mené brillamment sa mission. 40 canons sont apportés des Sablons de Neuilly par son chef d’escadron, Murat, et déposés au extrémités de toutes les rues menant à la Convention.

Napoleon Bonaparte pont d'arcole
Bonaparte au pont d’Arcole, par Antoine-Jean Gros, musée du Louvre

A 15h, Napoléon demande aux canonniers de tirer (des mitrailles) et cela dura trois quarts d’heure. La canonnade de l’Eglise Saint-Roch, rue Saint-Honoré, disperse les royalistes et fait 300 morts.

Suite à cet événement et en à peine quelques semaines, Napoléon Bonaparte devint un personnage important de la capitale française, Paris. Le 13 vendémiaire (5 octobre 1795) sera la date du début de sa fortune politique.

Napoléon, inspire aussi les écrivains

Dans Crime et Châtiment, il est comparé à un prophète d’un modèle de surhumain, mais Napoléon a été également l’un des personnages souvent utilisés auprès des écrivains.

Dans Napoléon, Élie Faure, le compare à un « prophète des temps modernes ». Victor Hugo le compare à un « Prométhée moderne ». Balzac, Stendhal, Musset… le prendront également comme sujet. Des auteurs que Fédor Dostoïevski lisait quand il était plus jeune.

Le français dans Crime et Châtiment

Dans le livre de Dostoïevski, on peut noter un certain nombre de fois l’usage de termes écrits en français dans le texte d’origine.

Fiodor Dostoïevski en 1863
Photographie de Fédor Dostoïevski en 1863

Les expressions françaises utilisées

En effet, nous noterons par exemple des expressions avec :

  • « de bonne guerre » : se dit d’un comportement habile et rusé, qui répond à une attaque, une critique, une concurrence et qu’on considère comme légitime. (source Larousse.fr)
  • « j’ai le vin mauvais » : devenir violent sous l’effet de l’ivresse (source : linternaute.fr)
  • « c’est de rigueur » : être imposé par la règle, les usages (source : Larousse.fr)
  • « oraison funèbre » : discours prononcé lors de funérailles et qui fait l’éloge du défunt (source : Larousse.fr)

Egalement, nous retrouvons des chansons :

  • La Petite Ferme
  • Cinq Sous
  • Malbrough s’en va-t-en guerre

Nous retrouvons aussi des formules de politesse « cher ami », « pour vous plaire »… mais aussi de la philosophie avec « la nature et la vérité » ou de la littérature française avec Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau.

Le français la langue de l’élite

Quelques extraits du livre montrant l’importance de parler le français :

« Parle-moi français, parle-moi français. Je t’ai donné des leçons, tu connais bien quelques phrases, sans cela comment reconnaîtrait-on que vous appartenez à une famille noble et que vous êtes des enfants bien élevés, non des musiciens ambulants ? »

« Ah ! voilà, chantons en français Cinq sous je vous l’ai appris, cet air-là, vous devez le savoir, et c’est une chanson française, on verra tout de suite que vous appartenez à la noblesse et ce sera beaucoup plus touchant… On pourrait changer aussi Malbrough s’en va-t-en guerre car c’est une chanson enfantine qu’on chante dans toutes les maisons aristocratiques pour endormir les enfants. »

En effet, cette dernière chanson était l’une que la nourrice chantonnait au dauphin de France. Elle marqua si bien les esprits de la reine, qu’elle fit nommer l’un des bâtiments du hameau de la reine par la tour Marlborough.

tour Marlborough hameau de la reine
vue de la Tour Marlborough du hameau de la reine à Versailles Crédit photo : Auria.fr

Le français était la langue universelle, qui était parlé dans toute l’Europe par certains membres de la société : les rois et l’élite. Elle fut, également, la langue du commerce et des échanges. (Source : tv5monde.com)

La langue française s’imposait dans les cours d’Europe, ainsi on pouvait se retrouver à parler en français auprès de la tsarine Catherine II de Russie, qui reçu un enseignement de la langue de Molière et qui se plaisait à découvrir la littérature française. En Angleterre, au Moyen Âge, le français y régnait également.

Ainsi, on pouvait retrouver un Marco Polo qui écrivait ses chroniques de voyage en français ; un Henri VIII qui rédigeait des lettres d’amour à Anne Boleyn en français.

On peut aussi nommer le comte Axel de Fersen qui prenait l’habitude d’écrire ses lettres en français à Marie-Antoinette ou à toute autre personne. La dernière reine de France, elle-même, en avait presque oublié sa langue maternelle, l’allemand, et rédigeait aussi ses lettres en français.

axel de fersen et marie antoinette
Portraits de Axel de Fersen et Marie-Antoinette